Au XIXème siècle, très précisément en 1877, mon arrière-arrière grand-mère exerçait à Paris le métier de boutonnière et d’encarteuse. Elle fabriquait des boutons et les encartait, c’est-à-dire les plaçait sur les cartons qui servaient à la présentation et à la vente. La plupart de celles et ceux qui exerçaient ce métier étaient des journaliers, c’est-à-dire qu’ils étaient payés à la journée, et travaillaient chez eux et non en usine. Elle fut aussi frangeuse, c’est-à-dire ouvrière textile spécialisée dans la confection de franges, et batteuse d’or, cette fois spécialisée dans la confection de feuilles d’or très fines recouvrant des objets ou des monuments.

J’ai découvert ces métiers de boutonnière et d’encarteuse en m’intéressant peu à peu à la vie de mon arrière-arrière grand-mère, qui fut particulièrement agitée et la mena même pour je ne sais quelles raisons en Russie. Cela ne pouvait que me faire sourire car je me souvenais avoir très souvent joué étant petit avec une boîte pleine de boutons, dont de forts anciens, dans laquelle ma mère piochait pour remplacer un bouton perdu. Il faudra que je fouille pour savoir si cette boîte existe toujours. J’y trouverai sûrement de nouveau des merveilles.

Quel rapport avec le numérique, me direz-vous ? J’y viens.

Lorsque l’impression 3D a pointé le bout de son nez dans l’univers numérique, j’avoue n’avoir que très moyennement sauté au plafond. Je n’en voyais en effet que peu l’utilité, la plupart des exemples qui m’étaient donnés, hormis le projet « Toucher pour voir » de mes amis et collègues de Tri-D, ne consistaient qu’à imprimer des figurines de Star Wars ou Donjons et Dragons. Je caricature un peu mais je rencontrais en effet peu de projets intéressants. C’est pourquoi les visions un peu trop béates du type « une imprimante 3D dans chaque maison » m’ont laissé assez froid et jusqu’ici l’actualité technologique m’aura donné raison.

L’impression 3D a bel et bien sa place dans notre société, permet de faire des merveilles mais il y a fort peu de chances pour qu’elle devienne un jour un élément du quotidien dans tous les foyers.

L’histoire d’amour a cependant commencé lorsque lors d’une exposition consacrée à la mode je suis tombé nez à nez avec des accessoires et des vêtements imprimés en 3D. Lors d’un événement, nous avons même pu imprimer des reproductions de boutons que les visiteurs pouvaient emporter avec eux.

Restait la grave question de la modélisation. Que l’on ne me parle pas de logiciels ou plateformes comme Blender, AutoCAD, 3D Slash ou TinkerCAD, non pas qu’ils soient sans qualités mais tout simplement parce qu’ils ne correspondent pas à ma façon de travailler. Toujours autant de mal avec les outils obligeant à travailler de façon graphique (hormis Scratch) alors que tout se passe pour le mieux avec du code. Il existe heureusement dans ce domaine le logiciel libre et gratuit OpenSCAD et son équivalent en ligne façon Scratch, BlockSCAD. Tout pouvait donc démarrer pour se lancer dans de nouvelles expériences dans le domaine du textile.

Le milieu de la mode, de par son fort lien avec l’art contemporain, m’a toujours fasciné et j’ai fait quantité de musées et d’expositions sur le sujet, dont la cerise sur le gâteau de l’une d’entre elles fut le fait d’y avoir croisé Milla Jovovich racontant à sa fille comment elle avait porté une robe de mariée créée par Jean-Paul Gaultier. J’avais moi aussi les yeux rivés sur cette robe quand je regardais ma voisine dont les explications m’intriguaient. Un petit sourire enchanta ce jour ma visite.

Il y a les grandes expositions, d’autres plus intimes, les musées consacrées à la technique comme aux métiers, tout un pan artistique et historique dans cet univers qui exploite actuellement le potentiel créatif de l’impression 3D.

Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser par exemple au travail de la styliste Danit Peleg (vidéo en anglais).

Ou de plonger dans les créations du collectif threeAsfour (vidéo en anglais).

Sans oublier le travail magnifique de la styliste Iris Van Herpen.

Comme on peut le voir, les possibilités sont vastes et il y a quantité d’univers à explorer. Pour ma part, si j’ai quelques idées créatives en tête, je m’en tiendrai pour démarrer au « métier » de boutonnier numérique à titre personnel avant de prolonger l’expérience dans le cadre d’une activité au lycée Jean Moulin de Roubaix qui se lance au travers de son fablab dans le tissage numérique et le textile. J’avais accompagné le démarrage du fablab avant que la pandémie ne vienne naturellement compliquer les projets.

Si la partie « tissage » sera assurée par des professionnels du domaine, j’aurai le plaisir d’accompagner les lycéens sur les accessoires au travers entre autres de l’impresison 3D, de la manipulation de la brodeuse numérique, la création de motifs grâce à l’art génératif. Vaste programme que j’ai hâte de démarrer…

Au programme donc OpenSCAD, mais aussi Processing, ainsi que de l’algorithmie grâce à Scratch.

En attendant que fait le boutonnier numérique ??? Des boutons. Du plus simple au plus alambiqué, l’objectif étant de ne pas réaliser de copies mais uniquement des modèles d’inspiration personnelle ou inspirés par l’art contemporain ou plus ancien. L’exposition récente de la fondation Cartier au Musées des Arts décoratifs sur les bijoux et ses liens avec les arts de l’Islam fut révélatrice, tant il était passionnant de voir comment Cartier était passé par exemple d’une mosaïque, d’une illustration dans un manuscrit à des bijoux tous plus magnifiques les uns que les autres. Je me suis d’ailleurs lancé dans quelques « breloques » modélisées en 3D que ma fille aura bientôt le plaisir (ou pas en fonction de la qualité 😉 ) d’étrenner.

Quelques exemples ?

La suite ? Des boutons, encore des boutons mais aussi des noeuds-papillons, des accessoires pour la création de ceintures, de sacs, du textile imprimé en 3D… Le projet ne fait que commencer. Il reste encore plein d’interrogations sur son évolution et sa diffusion mais j’aurai sûrement l’occasion d’y revenir.

Comme dirait la fourmi, « vous cousiez, j’en suis fort aise… Eh bien tissez maintenant » !

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s